Il y aurait beaucoup à dire sur le tourisme de masse, sur les sports d’hiver dans les Alpes ou les plages bondées de la Méditerranée. Si vous avez un certain âge, vous avez sûrement déjà vu un épisode de « la croisière s’amuse » ou même déjà essayé un séjour au ClubMed.
Nul besoin, donc, de vous expliquer outre mesure ce qui nous semble incongru dans un tourisme qui suit la mode. Ce tourisme, qui a connu son essor au début du siècle avec les congés payés et qui, pour certains, a encore la réputation d’apporter prospérité et dynamisme économique à une ville ou une région, ne se révèle plus aujourd’hui si attractif qu’on veut bien le dire.
Des villes comme Venise, Barcelone, Amsterdam, Budapest ou Dubrovnik ont voté des règles anti-touristes. Les autochtones pouvant se retrouver jusqu’à 50 fois moins nombreux que les vacanciers. En 2018, la liste des « meilleures destinations » de l’année est obsolète. CNN établit plutôt un palmarès des lieux à éviter tant ils sont défigurés par le tourisme de masse. Aux Philippines, l’île de Boracay a même été interdite aux touristes, après avoir été submergée de visiteurs suite à sa distinction parmi les meilleures destinations insulaires. En 2017, c’est l’Unesco qui, dans son rapport annuel, pointait déjà les risques du tourisme pour les sites qu’elle avait elle-même contribué à populariser via son célèbre label du patrimoine mondial.
Se rencontrer autrement
Dans le « Manuel de l’Agritourisme», Rodolphe Christin observe que « l’un des paradoxes du tourisme d’aujourd’hui est de tuer ce dont il vit, en véritable parasite mondophage. Celui-ci préfère le divertissement à la diversité ; le premier est effectivement plus confortable, car il ne remet rien en cause. Ainsi le touriste déclare son amour à cette planète dans ses moindres recoins et, ce faisant, il contribue à l’épuiser impitoyablement ». De plus, il y a ce touriste qu’on ne supporte pas, celui qui se croit partout chez lui parce qu’il a une carte de crédit. Avoir de l’argent évite de faire l’effort de rencontrer l’autre – l’étranger. Puisqu’on parle des étrangers… Migration et tourisme sont de plus en plus vus comme les deux faces de la même médaille.
Pour les uns, voyager signifie des passages mortels à travers le désert et la mer. À la fin de leur voyage les attendent des peines de prison ou un régime de camps. Pour les autres voyager correspond aux « meilleures semaines de l’année », synonymes de luxe et de repos sans soucis. Il n’y a guère de contraste plus sombre.
À Longo maï aussi, il est temps de réfléchir à d’autres formes de voyages, de loisirs. Même pour nous, il est évidemment plus facile de critiquer le tourisme de masse que d’imaginer les « échanges découvertes » de demain. Un de nos amis qui nous soutient régulièrement me demandait un jour : « Je ne veux pas être trop bête, je pourrais évidemment aussi payer quelque chose… Alors comment passer le temps libre ? Je travaille et j’habite en ville. Quel mode de décompression, pour moi ? »
Nous voudrions proposer une autre forme de rencontre. Apprendre à se connaître, se remettre en question à travers le conte de la vie des autres. Si je rencontre des gens, je veux mieux comprendre de quoi ils vivent, de quelle alchimie est fait leur quotidien, comment ils passent les épreuves du temps, de l’amour, des changements de générations ou alors, plus simplement, si la région visitée est plus démocratique que la mienne.
Échange et partage
Nous voudrions proposer un tourisme participatif qui revendiquerait une refonte totale des relations entre les autochtones et les touristes. Ce sont la découverte, le respect et le lien social qui primeraient dans ce type de séjour, la confrontation à d’autres cultures, dans une logique d’échange et de partage. Par exemple, nous pouvons vous proposer d’aller soutenir des personnes courageuses qui résistent contre des grands projets inutiles et dangereux ou encore d’arrêter le projet d’une méga station de ski dans les Carpates ukrainiennes à Svydovets. Comprendre la vie rurale des petits paysans roumains à Hosman. Étudier la botanique provençale en logeant dans notre village de vacances aux Magnans. Participer aux vendanges dans le Luberon à la coopérative de Cabrery. Imaginer une autre vie sociale en gardant les chèvres, en cassant des amandes ou en jouant à la belote sur la colline de Limans. Vous pourriez bientôt visiter Riace pour soutenir son maire et vous opposer à l’anéantissement injuste d’un projet d’accueil de migrants au village. Les idées ne manquent pas et nous continuons à en tisser d’autres.
Hannes
Article initialement paru dans le numéro 127 des Nouvelles de Longo Maï disponible sur le site de ProLongomai.